La Cour de cassation met en avant la prévention en matière de harcèlement moral

Dans un arrêt en date du 1er juin 2016 (n° 14-19.702), la Chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît qu’en matière de harcèlement moral, l’employeur n’engage pas automatiquement sa responsabilité en matière d’obligation de sécurité, mais à condition, notamment, qu’il respecte les articles L4121-1 et L4121-2 du Code du travail prévoyant, entre autres, des actions de prévention en faveur de la santé et la sécurité.

En l’espèce, un salarié, exerçant les fonctions d’agent de qualité, a saisi la juridiction prud’homale afin de réclamer à son employeur des dommages-intérêts pour harcèlement moral au sein de l’entreprise. La Cour d’appel a relevé que l’employeur avait pris les mesures suivantes :

  • Il a modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral ;
  • Il a mis en oeuvre une enquête interne sur la réalité des faits dès qu’il a eu connaissance du conflit personnel du salarié avec son supérieur hiérarchique ;
  • Il a également organisé une réunion ainsi qu’une mission de médiation pendant trois mois entre les deux salariés en cause, confiée au directeur des ressources humaines.

De ces actes, la Cour d’appel en avait déduit que l’employeur avait mis en oeuvre toutes les mesures pour faire cesser le harcèlement moral.

Cependant, la Cour de cassation estime que l’employeur a  manqué à son obligation légale car il aurait du, notamment, mettre en oeuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. De ce fait, elle casse et annule la décision de la Cour d’appel.

Cette solution n’est pas nouvelle, elle avait déjà été amorcée par l’arrêt Air France du 25 novembre 2015 (n° 14-24444),  évoquant l’exonération de la responsabilité de l’employeur à la suite d’une crise de panique de son salarié depuis les attentats du 11 septembre. La Cour de cassation ne fait donc que transposer son raisonnement au domaine du harcèlement moral. En effet, le 25 novembre dernier, la Cour de cassation avait affirmé que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ».

Les deux décisions de la Cour de cassation viennent relativiser l’obligation de sécurité de résultat énoncée par les arrêts amiantes du 28 Février 2002.

Pour rappel, depuis 2002, la détérioration de la santé ou de la sécurité d’un des salariés de l’entreprise constituait un manquement à l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur. De plus, en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle, ce manquement avait le caractère d’une faute inexcusable. De ce fait la responsabilité de l’employeur était automatiquement engagée en cas de manquement à cette obligation, peu importe qu’il ait pris des mesures pour éviter l’incident, le salarié était en droit de réclamer des dommages et intérêts à son employeur.

En 2006, la Cour de cassation avait appliqué ce principe au harcèlement moral. De cette manière, la responsabilité de l’employeur était forcément engagée dès lors qu’un harcèlement moral se produisait dans son entreprise et l’absence de faute de sa part ne pouvait en aucun cas l’exonérer de sa responsabilité (Cass soc 21 juin 2006, n° 05-43.914).

Mais un des effets pervers de la condamnation automatique de l’employeur est qu’elle n’encourageait pas la prévention dans l’entreprise, puisque n’était pas pris en compte les efforts fournis de l’employeur pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés.

De cette manière, par ces décisions récentes, la juridiction du Quai de l’horloge met fin à la réparation automatique des employeurs en matière de santé et sécurité au travail . Elle ouvre la possibilité pour ces derniers de pouvoir s’exonérer. Toutefois, pour cela, l’employeur doit pouvoir démontrer :

  • d’une part,  que ses salariés ont bénéficié d’actions de formation, d’information, de prévention des risques professionnels et de moyens adaptés pour y faire face (article L4121-1 du code du travail), sur le fondement des neuf principes généraux énoncé à l’article L 4121-2 du code du travail ;
  • d’autre part,  l’employeur doit prouvé que, dès lors qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral,  il a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser .

La Cour de cassation énonce donc qu’il est nécessaire de prendre des mesures de prévention avant la survenue du harcèlement. Ainsi, en donnant la possibilité aux employeurs de s’exonérer de leur responsabilité en cas de harcèlement moral, la Haute juridiction replace la prévention au cœur de l’entreprise.

 

 

 

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