Peut-on remplacer un salarié absent par quelqu’un que l’on paye plus ?

La cour de cassation vient nous rappeler, dans un arrêt du 22 octobre 2014, qu’à travail de valeur égale, rémunération égale. Mais qu’appelle-t-on “travail à valeur égale” ?

En 2005, Isabelle est titularisée en qualité de Directeur des Ressources Humaines dans un aéroport, au coefficient de 550 de la grille des emplois en usage. Elle est ensuite rapidement augmentée à un coefficient de 600. En 2008, Isabelle est contrainte de s’arrêter. Son absence, qui intervient en pleine période de renégociation de la convention collective, oblige son employeur à embaucher un remplaçant dans l’urgence. Celui-ci, titulaire d’un diplôme de juriste conseil d’entreprise (que n’a pas Isabelle) et se prévalant d’une grande expérience professionnelle, est recruté pour un CDD de 15 mois au coefficient 800.  Lors de son licenciement, en 2009, Isabelle saisit la juridiction prud’homale pour, entre autres, demander un rappel de salaire sur la base d’un coefficient 800. Elle s’appuie pour cela non seulement sur le fait que, pendant son absence, son remplaçant a été embauché au coefficient 800, mais également que tous les autres membres du comité de direction dont elle fait partie (et où elle est la seule femme) sont à des coefficients supérieurs au sien.

Dans un premier temps, la cour d’appel l’a déboutée de sa demande aux motifs :

  • qu’elle avait accédé dans un délai d’un an au coefficient 600 tandis que ses collègues plus anciens avaient attendu trois et quatre ans pour bénéficier d’une progression indiciaire,
  • qu’elle ne dirigeait que le seul service des ressources humaines, qui n’était pas un service important puisqu’elle n’avait sous ses ordres que six salariés,
  • qu’elle n’avait aucune délégation de pouvoir importante puisqu’elle ne pouvait recruter que les stagiaires et vacataires.

La cour de cassation vient de casser cet arrêt en considérant que ces motifs sont inopérants pour exclure l’application du principe d’égalité de traitement. Elle rappelle que la cour d’appel aurait du se livrer à une analyse comparée de la situation, des fonctions, et des responsabilités de la salariée avec celles des autres membres du comité de direction en recherchant si les fonctions respectivement exercées par les uns et les autres étaient ou non de valeur égale à celles de l’intéressée.

Pour appuyer sa décision, la cour de cassation rappelle qu’au vu des articles L3221-2 et 3221-4 du Code du travail, “l’employeur est tenu d’assurer pour un même travail ou un travail de valeur égale l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes”.  Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable :

  • de connaissances professionnelles consacrées par :
    • un titre,
    • un diplôme,
    • ou une pratique professionnelle,
  • de capacités découlant de l’expérience acquise,
  • de responsabilités,
  • et de charge physique ou nerveuse.

Cela nous donne des pistes pour évaluer des emplois différents dans le cadre de nos diagnostics sur l’égalité professionnelle et nous rappelle à quel point l’essentiel est de rester objectif (et qui a dit que c’était facile ?).

 

Référence : Pourvoi n°13-18362 du 22 octobre 2014 de la chambre sociale de la Cour de cassation

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