Quand le Syntec s’attaque à un meilleur contrôle du temps de travail pour les cadres

“Ah, tu te rends comptes, j’ai du travailler 40h cette semaine !”

“Moi, je crois que j’ai du approcher des 60h…”

“Oui, mais toi, c’est normal, tu es cadre !”

🙁 🙁 🙁

Pour rappel, un cadre est un salarié comme un autre, à qui s’appliquent, de base, les mêmes règles de temps de travail et de paiement des heures supplémentaires.

Pour que ces heures ne soient “pas comptées”, comme on a l’habitude de dire, il faut que ce cadre ait signé avec son entreprise un forfait jour. Or, en pratique, toutes les entreprises ne proposent pas un forfait jour à leurs cadres, car cela implique des contreparties, dont un entretien spécifique annuel obligatoire qui porte sur :

  • la charge de travail du salarié,
  • l’organisation du travail dans l’entreprise,
  • l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale,
  • la rémunération.

En la matière, le Syntec (branche professionnelle des bureaux d’études techniques, Cabinets de conseils, SSII) vient de se montrer précurseur en terme de mesures à mettre en oeuvre pour les cadres en forfait jour.

Il faut dire que la cour de cassation les y avait un peu contraint en indiquant dans un arrêt qu’une convention de forfait jour répondant aux règles du Syntec n’était pas “de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié”.*

Afin d’éviter les contentieux en cascades qui auraient pu faire suite à cette jurisprudence, le Syntec a donc pris les devants en signant, le 1er avril 2014, un avenant à son accord sur la durée du travail.

Il rappelle que si un salarié au forfait jour n’est pas soumis aux durées légales maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail, il doit tout de même bénéficier d’un repos quotidien minimum de 11 heures et d’un repos hebdomadaire de 35 heures minimum consécutives. Mais en plus, le Syntec oblige l’entreprise :

  • à spécifier sur la convention individuelle de forfait jour (avenant au contrat de travail) :
    • la nature des missions justifiant le recours à cette modalité,
    • le nombre de jours travaillés dans l’année (celui-ci ne pouvant être supérieur à 218 jours),
    • la rémunération correspondante (au minimum 120% du minimum conventionnel de son coefficient),
    • le nombre d’entretiens prévus.
  • à mettre en place un outil de suivi “objectif, fiable et contradictoire” pour comptabiliser les jours travaillés et s’assurer du respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires du salarié ;
  • à convoquer son salarié 2 fois par an (+ en cas de difficulté inhabituelle) pour un entretien individuel spécifique.

D’autre part, le Syntec rappelle que “l’effectivité du respect par le salarié [des] durées minimales de repos implique pour ce dernier une obligation de déconnexion des outils de communication à distance.

Cela ramène au débat sur les smartphones et autres outils de communication (webmail…) qui permettent plus de flexibilité en terme d’horaires et qui, en même temps, sont souvent pointés du doigt comme causes des burn-out, en ne permettant pas aux salariés de véritablement se déconnecter pendant leurs temps de repos.

Alors, vers une coupure de l’accès aux emails professionnels le week-end, comme l’a fait Volkswagen pour certains de ses salariés en 2011 en Allemagne et comme l’envisagerait Total en Belgique ?

ou seulement vers une meilleure formation / information pour prendre conscience que l’on peut avoir un smartphone professionnel et ne pas lire ses mails le week-end ?

 

 

 

*Références juridiques :
Cour de cassation – Arrêt n°11-28398 du 24 avril 2013
Code du travail – Art. L3121-43 à L3121-48
Avenant de révision de l’article 4 du chapitre 2 de l’accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail de la branche des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseil, sociétés de conseil.

 

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